Chronique BD : Un sombre Manteau de Jaime Martin

Femme ou sorcière ? La question plane dès les premières pages d' "Un sombre manteau", dernière pépite graphique de Jaime Martin. Une jeune femme rousse, blessée, hagarde, fuit on ne sait quoi, on ne sait qui, et vient se perdre dans les confins d’un village reculé des Pyrénées catalanes. Là vit Mara, soigneuse solitaire, herboriste respectée mais tenue à distance par les villageois. Elle recueille la fugitive, la soigne, la protège, la fait passer pour sa nièce.

Quand la rage frappe le village, les regards changent, les soupçons s’aiguisent. Et les masques tombent.

Jaime Martin nous offre un récit fort et viscéral, empreint de sororité, de secrets et de résistance. Serena, la jeune femme muette, porte en elle une histoire douloureuse. Mara, gardienne d’un savoir ancien, d’un temps où les trémentinaises arpentaient les montagnes pour soigner avec les plantes, incarne cette mémoire vivante, lucide et combative. Ensemble, elles affrontent la peur, la superstition, la cruauté, mais aussi l’espoir d’un lien inébranlable entre femmes.

Graphiquement, c’est un choc. Les visages parlent, hurlent, pleurent, aiment sans qu’un mot ne soit nécessaire. Chaque planche est un tableau, sombre et lumineux à la fois. Les montagnes, omniprésentes, écrasantes et protectrices, deviennent presque des personnages.

Remuant, dur, magnifique, " Un sombre manteau" est une BD qui laisse une empreinte. Elle parle d’un passé pas si lointain, de ces femmes guérisseuses, fortes et libres, souvent accusées de sorcellerie parce qu’elles détenaient un savoir ancestral. Une œuvre aussi engagée que bouleversante, où la mort rôde mais où la sororité éclaire le chemin. Indispensable.

Coups de cœur de Sandra, bibliothécaire